23 de junho de 2010

Le feuilleton n°61


n° 61

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les ateliers du ri3

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Vos contributions sont attendues : 3500 signes, c’est bien.

danielroy@wanadoo.fr ; herve.damase@orange.fr

Modérateur : Jean-Robert Rabanel

Mano a mano

Michel Neycensas – itep de Bellefonds

Yann a trois ans lors de son accueil dans l’institution. Il n’avait que quelques semaines lorsque sa mère le laissa tomber, une chute sur le sol. Cela occasionna une hospitalisation de 15 jours pour trauma crânien. Placé en urgence par le juge, sa future gardienne vint le chercher à l’hôpital, faisant face aux hurlements de la mère : « J’avais l’impression d’être une voleuse » avouera-t-elle au cours de l’entretien d’admission.

Les premiers mois dans l’institution sont difficiles. Yann lance tout ce qui lui tombe sous la main et vise adultes et enfants. Les stratégies pour l’en détourner restent inopérantes. Il répète quotidiennement qu’il est battu par sa gardienne et son mari. Il recherche le corps à corps : taper, cogner, faire et obtenir des câlins. Cependant, des opérations symboliques se mettent en place : dialectique de la présence et de l’absence, avec son doudou pour support ; devant le miroir, se retournant vers son éducatrice, il la nomme, puis, de l’index, il se touche le torse en disant « ann ». Une scène se répète : il noue, dénoue et renoue les mains de ses deux éducatrices. Puis, avec de l’eau, il lave les mains réunies. L’opération s’effectue avec le plus grand sérieux et, devant cette énigme, la docilité est de mise.

Puis un jour, soudainement, Yann se remet à taper violemment. Ce déclenchement correspond à l’arrivée d’une stagiaire sur le groupe. L’éducatrice accueille cette dernière, lui présente les enfants, lui parle de son travail. Cette intrusion met Yann face à un insupportable. Convoqué de manière solennelle par son éducatrice, un énoncé surgit, qu’elle lui adresse : « Tu ne taperas plus personne », surprise du dit et du dire qui tranchait avec le style rencontré habituellement par Yann. Les effets sont nets : arrêt des coups et, dans le même temps, refus de participer au rituel de l’appel matinal. Lorsque son nom est prononcé, Yann répond : « Personne. » Ce nom d’emprunt l’accompagne quelques temps et, si l’usage qu’il en fait relève de son rapport à l’imaginaire et au transitivisme, il indique plus secrètement sa valeur de semblant pour se soustraire à la demande de l’Autre : effet de sujet ?

Le laissé tombé qu’il tentait de symboliser par le nouage des mains se répète dans le réel avec l’intrusion de la stagiaire. La violence qui l’accompagne ne serait-elle pas, d’une part, l’écho dans le corps du laissé tombé inaugural, et, d’autre part, sa réponse à ce qu’il fut comme objet aux mains de ces deux mères ?

Quelques semaines plus tard, Yann dessine un bonhomme, écrit son prénom et fixe, avec de la colle, la feuille de papier sur le bureau de celui qui l’accueille, cette opération indiquant comment il tente de se loger au lieu de l’Autre avec un nouage du corps et du nom. Récemment son éducatrice nous dira que « Yann ne tape plus, la parole a pris le dessus ».

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